vendredi 26 août 2016

RD Congo: quand la diffamation étouffe l’éclatement de la vérité et musèle la presse

Le 25 août 2016 à Beni, les chefs religieux Muhindo Mukanda Djibril et  Hamza Baghuma Kasereka respectivement représentant régional  adjoint chargé de développement dans la région islamique de Butembo et Imam de la  mosquée de la même ville, ont été mis en cause dans le recrutement des présumés rebelles dans le procès des personnes présumées membres de l’Allied Democratic Forces (ADF/NALU), groupe rebelle qui sème la terreur dans l’Est du Congo en perpétrant des massacres contre les populations civiles. 
Cités par un des accusés nommé Kasereka Mupanda Kasimu, au cours de la quatrième audience publique de la Cour militaire opérationnelle du Nord Kivu siégeant à Beni, ce dernier a témoigné et martelé que ces deux chefs religieux mis en cause opéraient pour le compte de cette rébellion depuis 2004. Des troublantes révélations surtout pour les Défenseurs de la liberté de presse, particulièrement ceux exerçant au sein de l’Observatoire de la Liberté de la Presse en Afrique (OLPA). En octobre 2015, par voie de citation directe, Hamza Baghuma Kasereka a traduit en justice devant le Tribunal de paix de Butembo, M. Christian Kahindo, journaliste et éditeur de l’hebdomadaire Rafiki, paraissant à Beni (à environ 300 kms de Goma, chef-lieu de la province du Nord Kivu). Le chef religieux accusait le journaliste d’imputations dommageables et lui réclamait des dommages-intérêts de l’ordre de 100 mille dollars américains. Ces poursuites judiciaires sont consécutives à la publication d’un article signé par Christian Kahindo intitulé « le kamikaze de Jamil Mukulu prépare les attentats à Beni », paru dans l’édition n°14 du 20 septembre 2015. Dans cet article, le journal Rafiki faisait allusion à l’arrestation de Jamil Mukulu, chef du groupe rebelle ougandais d’obédience Islamiste ADF NALU arrêté en avril 2015 en Tanzanie et cite également le nom de Hamza Baghuma Kasereka qui aurait suivi une formation sur le terrorisme en Irak qui représenterait un sérieux danger. Peu après la publication de cet article, le chef religieux tout furieux n’a eu d’alternative que de saisir le Tribunal sous RP 3017/I pour obtenir la condamnation du journaliste dès la première audience le 23 octobre 2015, un vœu qui n’a pas été exaucé par les autorités judiciaires. Mais ce n’était que le début d’un long feuilleton judiciaire qui n’a pas encore connu son dénouement jusqu’à ce jour.

Une épée de Damoclès sur la tête de Kahindo et de Rafiki
L’affaire a été prise en délibéré le 8 janvier 2016, et l’éventualité de la condamnation du journaliste pour diffamation n’est pas encore à écarter. Mais face aux troublantes révélations faites devant la Cour militaire opérationnelle du Nord Kivu par Kasereka Mupanda Kasimu et Issaka Muhindo, il y a lieu de s’interroger si le journaliste Christian Kahindo et le journal Rafiki méritent-ils encore une condamnation ou un acquittement pur et simple ? C’est la deuxième hypothèse qu’il y a lieu de privilégier. Le combat des uns et des autres pour la dépénalisation des délits de presse ou de l’abolition des peines privatives de  liberté en faveur des professionnels des médias a sa raison d’être. On doit continuer à y croire.  

Au delà des devoirs de responsabilité auxquels s’accrochent plusieurs d’entre nous pour dénigrer le travail des médias, nous avons aussi la lourde responsabilité de nous battre pour consolider la liberté de la parole ou de l’écrit. Si le journaliste n’avait pas mené et publié ses investigations, qui aurait cru que ce chef religieux devrait être interpellé un jour ou soupçonné d’avoir soutenu des présumés ADF qui endeuillent les familles congolaises chaque jour ? Encore faudrait-il s’interroger si les informations livrées par Rafiki (qu’elles soient vraies ou fausses) ont été mises à profit par les autorités judiciaires et sécuritaires du pays. Hélas, le premier reflexe a été celui de chercher à tout prix à condamner un journaliste pour avoir exercé le métier qui est le sien.
Dans l’avenir, il est indispensable qu’on se mette autour d’une table et qu’on réfléchisse ensemble sur la qualification, la répression du délit de diffamation surtout à l’encontre des journalistes et des médias. Cet effort est d’une importance capitale non seulement pour consolider les acquis d’une démocratie (la presse étant un des piliers de la démocratie) mais aussi pour sauvegarder la liberté d’expression et son corollaire pour les générations actuelle et future.

Joseph-Alain Kabongo/OLPA 

Kongo Central: une journée déontologique à l’intention des journalistes et des médias

L’Observatoire de la Liberté de la Presse en Afrique (OLPA), organisation indépendante de défense et de promotion de la liberté de presse, a organisé le 18 août 2016, une journée déontologique à l’intention des médias et des journalistes de la province du Kongo Central. Cette rencontre a eu lieu, dans la salle des conférences du Centre de Lecture et d’Animation Culturelle (CLAC) située au quartier ville basse, dans la commune de Matadi. 


Cette journée s’inscrivait dans le cadre de la mise en œuvre du projet intitulé : « défense de la liberté de presse durant le processus électoral », appuyé par la Fondation nationale pour la démocratie (NED). D’entrée de jeu, M. Diamana Philippe, conseiller politique et administratif du Ministre provincial de la Presse & Médias, a dans son allocution d’ouverture, encouragé l’initiative de l’OLPA de réunir les professionnels des médias de la province pour réfléchir ensemble sur l’avenir de la profession dans cette juridiction. Il a invité les participants à cette journée à mettre en pratique tout ce qu’ils auront appris et à partager leurs expériences avec les membres de leurs rédactions respectives.   
De son côté, M. Dieudonné Muaka Dimbi, président provincial de l’Union Nationale de la Presse du Congo (UNPC/Kongo Central) s’est penché sur la problématique de la liberté de presse au Kongo Central : défis et perspectives d’avenir pour les futures échéances électorales. L’orateur a, de prime abord, rendu un vibrant hommage aux membres de l’OLPA pour avoir non seulement porté son dévolu sur sa modeste personne, mais aussi et surtout de l’occasion offerte à la presse du Kongo Central en organisant cette journée déontologique dont la finalité est de réfléchir ensemble sur le travail du journaliste.  Dieudonné Muaka a souligné l’importance du travail du journaliste de nos jours. Sans lui, l’humanité toute entière serait dans le chaos. Cette sensibilité appelle cependant des garde-fous pour éviter tout dérapage pouvant embraser une nation, une communauté. D’où, l’existence des règles et des principes bien définis tant du point de vue professionnel que de l’éthique. Au-delà de toutes considérations, la liberté de presse ne peut pas seulement être garantie et sauvegardée pendant une période comme celle des enjeux électoraux. Elle doit être un acquis de tous les jours et de toutes les circonstances, a-t-il déclaré.

Liberté de presse au Kongo Central

Parlant de la situation de la liberté de la presse dans l’ex-province du Bas-Congo, M. Dieudonné Muaka Dimbi a fait remarquer que depuis qu’il préside aux destinées de l’UNPC/Kongo Central, les différents médias tant de la presse audiovisuelle, écrite qu’en ligne, les professionnels des médias n’hésitent pas en toute indépendance à charger les détenteurs du pouvoir de leur province sur certains aspects qui intéressent la société. Certains de leurs intervenants à qui ils accordent la parole font aussi autant. Ce n’est pas pour autant que le pouvoir public doit les inquiéter étant donné que les critiques constructives aident l’autorité politico-administrative à bien faire ou à améliorer sa gestion. Il a souligné que depuis l’organisation des élections au niveau du Kongo Central en 2006 et en 2011, aucun  professionnel de médias a été incarcéré pour fautes d’éthique et de déontologie professionnelles. Une situation qui réconforte et qui pousse les professionnels de médias de cette province à participer activement à cette journée déontologique.


Défis à relever

Face à toutes les réalités du terrain, il y a plusieurs défis à relever par les professionnels des médias de cette contrée de la RD Congo. Dieudonné Muaka a évoqué entres autre des efforts à consentir pour que les détenteurs du pouvoir et de la justice garantissent aux journalistes du Kongo Central le pouvoir d’exercer leur travail en toute liberté et sécurité durant la période de grands enjeux électoraux. Cela va aller dans le sens de la démocratie, de la liberté d’expression et d’opinion. Tout comme savoir supporter la contradiction, la critique, l’honnêteté, la défense de l’intérêt général. Il a exhorté les professionnels de médias à être impartial pendant les périodes de grands enjeux politiques dans notre pays.

Perspectives d’avenir

Concernant les perspectives d’avenir, l’orateur a prodigué de sages conseils à  ceux qui ont choisi la presse comme leur métier. Ils doivent beaucoup lire les ouvrages écrits sur les questions de liberté de la presse, sur le délit de presse, sur le code d’éthique et de déontologie professionnelle et surtout sur le code de bonne conduite des médias pendant la période électorale ainsi que sur le guide pratique du journaliste en période électorale afin de savoir quels comportements adopter. Les journalistes du Kongo central ne doivent pas non plus négliger l’utilisation de nouvelles technologies de l’information et de la  communication.  Puis s’en est suivie la restitution et une brève explication des  recommandations issues des ateliers organisés par l’OLPA dans la ville de Kinshasa en 2015 et en 2016 sur le renforcement des capacités des avocats et des défenseurs judiciaires dans la défense des intérêts des médias et des journalistes ; sur le renforcement des capacités des journalistes sur les techniques de surveillance de la liberté d’information ; sur la table ronde sur la problématique de la liberté de presse en RDC et sur le renforcement des capacités des journalistes dans le traitement de l’information électorale. Cette restitution a été faite par Joseph-Alain Kabongo, Secrétaire exécutif de l’OLPA qui conduisait une délégation des membres de l’organisation dans le chef-lieu de la province du Kongo Central.

A l’issue de ces communications, les participants se sont scindés en deux groupes de travail. Ces groupes ont travaillé autour de deux thèmes principaux à savoir: « Médias du Kongo Central face au processus électoral » et « Collecte de l’information & la sécurité du journaliste et des médias du Kongo Central ». Après avoir identifié plusieurs obstacles qui se dressent sur le parcours des médias de cette province, les journalistes ont fait quelques recommandations aux organisateurs de la journée déontologique et aux autorités nationales et provinciales. Les médias doivent ainsi sensibiliser la population face au comportement à afficher pendant la période électorale, les journalistes doivent s’en tenir au respect du code d’éthique et de déontologie, le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication (CSAC) doit prendre conscience du rôle qui est le sien dans la régulation des médias, ses antennes doivent être installées dans les dix territoires du Kongo Central pour son efficacité, le CSAC doit multiplier des séances de travail à caractère communicationnel entre les acteurs politiques et les médias pour une bonne entame du processus électoral, et doit repréciser ses directives sur la répartition de temps d’antennes dans les médias publics entre les différents courants politiques, les journalistes doivent privilégier l’objectivité et l’impartialité dans le travail. Prenant la parole au nom des participants, M. Emmanuel Luzolo Nzeka, journaliste à la station provinciale de la RTNC (Radio-télévision nationale congolaise) a remercié OLPA, UNPC et NED pour cette journée très enrichissante pour les professionnels de la presse de cette partie du pays qui ont beaucoup appris en très peu de temps. Il a invité l’organisation OLPA à multiplier d’autres activités dans cette province afin d’outiller les journalistes des techniques de travail adaptées aux évolutions actuelles.

Dpt de l’Information publique de l’OLPA



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