mardi 29 janvier 2019

RD Congo : la suppression du Ministère de la Communication et médias parmi les grandes attentes de l’électorat en 2019


RD Congo : la suppression du Ministère de la Communication et médias parmi les grandes attentes de l’électorat en 2019

Malgré les actions de contestation de l’élection présidentielle par les partisans de la plate-forme Lamuka ayant soutenu le candidat malheureux Martin Fayulu et une franche des analystes de la Communauté internationale, l’avènement du vainqueur du scrutin du 30 décembre 2018 Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo suscite évidemment des espoirs sur une rupture avec le passé. 

Parmi les actions de grande envergure à envisager, il y a notamment la suppression du portefeuille ministériel dénommé Ministère de la Communication et des médias, ou encore Ministère de l’Information et Presse.  Un portefeuille au passé peu glorieux depuis quelques décennies, et dont la jeune démocratie congolaise voudrait s’en débarrasser une fois pour toute.

L’occasion faisant le larron, le nouveau président de la République, de surcroît issu d’un parti politique historique de l’opposition, a de bonnes raisons pour que ce ministère n’ait pas droit de cité dans le prochain gouvernement dit de large union nationale.  Il est certes possible que d’aucuns s’interrogent sur cette volonté délibérée de voir le prochain gouvernement compter tout sauf un ministère de la Communication et des Médias. Est-ce un acharnement, un règlement des comptes ou une action visant à saboter la visibilité du futur gouvernement de large union nationale? Autant d’interrogations que tout congolais lambda pourrait soulever avec espoir de bien trouver des réponses nécessaires.

Propagande révolue

La jeune démocratie congolaise devrait, en principe, bannir le culte de la personnalité, la propagande malveillante, les mensonges d’Etat, les attaques personnelles boutiquées dans les laboratoires politiques, etc. Les quelques maux énumérés ci-dessus sont caractéristiques des missions tacites assignées à ce portefeuille ministériel appelé à disparaître. Les pratiques d’endoctrinement sont d’une autre ère, non conformes et inadaptées aux évolutions démocratiques actuelles.  La propagande réduit les ministres à de petits garçons de course qui se livrent matin et soir au Djalelo et ternissent, par voie de conséquence, l’image de marque du gouvernement dans l’opinion publique.

Protéger la liberté de presse

Au cours de ces dernières années, le Ministère chargé de la Communication et des médias s’est transformé en gendarme de la presse libre et indépendante. Au lieu d’assurer la visibilité des actions gouvernementales, il s’est livré à une guerre sans merci contre la presse indépendante souvent critique vis-à-vis de l’action du gouvernement. Au lieu d’encourager l’indépendance des médias, ce portefeuille ministériel et ses animateurs ont brillé par des actions liberticides à l’endroit des organes de presse. Fermetures en cascade des médias, coupures justifiées ou non de signal, refus d’accorder des autorisations de reportage à la presse étrangère, expulsions des journalistes étrangers, exclusions délibérées de certains organes de presse aux rencontres du gouvernement, etc. Ce sont là les actions marquantes menées par ce ministère qui demeure, du reste, un véritable goulot d’étranglement pour l’avènement d’un quatrième pouvoir tant souhaité par les congolais. Une interprétation parfois partisane des lois qui régissent le secteur médiatique a conduit aussi à la publication de plusieurs mesures liberticides ainsi que la censure ayant engendré la peur de sanction dans la profession et ou une éventuelle privation de toute manne publicitaire des institutions publiques. Supprimer un tel ministère constituerait un grand soulagement pour tous les médias terrorisés par cet organisme public aux compétences illimitées et parfois ambiguës.   

Consolider l’assainissement du secteur des médias

En supprimant ce ministère, les nouveaux dirigeants participeront indirectement à la consolidation de l’opération d’assainissement du secteur médiatique congolais à laquelle se consacrent régulièrement l’instance publique de régulation (Conseil supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication) et les organisations professionnelles. La loi du 11 janvier 2011 donne plusieurs attributions à l’instance publique de régulation, mais l’imbroglio entretenu par le Ministère de la Communication et Médias ne permet pas à cette institution d’accomplir normalement ses missions. En outre, les moyens matériels et financiers mis à la disposition de cet organisme public sont très modiques. En supprimant ce ministère, les moyens dont il disposait pourrait conséquemment être transféré au Conseil supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication (CSAC) afin de lui donner ses moyens d’action au profit des médias. Le CSAC pourrait également assurer la tutelle des médias publics autrefois confisqués par le pouvoir sortant. Ce qui pourrait leur rendre leur crédibilité fortement entamée au sein de l’opinion publique. De leur côté, les organisations corporatives pourront aussi assurer l’autorégulation sans crainte d’être fragilisées dans leur élan par ce ministère.
Au bout du compte, les congolais qui ont exprimé leur vœu de changement, le 30 décembre 2018, attendent fermement du président élu cette décision courageuse de ne pas reconduire dans son gouvernement un portefeuille destiné à avoir un regard sur les médias. Le CSAC ayant déjà cette mission qui lui est reconnue par la Constitution, il appartient donc au gouvernement de trouver des voies et moyens pour assurer sa propre communication autrement.

KABONGO MBUYI, Secrétaire exécutif de l’Observatoire de la Liberté de la Presse en Afrique (OLPA)