RD Congo : la suppression du Ministère de la Communication et médias parmi les grandes attentes de l’électorat en 2019
Malgré les
actions de contestation de l’élection présidentielle par les partisans de la
plate-forme Lamuka ayant soutenu le candidat malheureux Martin Fayulu et une
franche des analystes de la Communauté internationale, l’avènement du vainqueur
du scrutin du 30 décembre 2018 Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo suscite
évidemment des espoirs sur une rupture avec le passé.
Parmi les actions de
grande envergure à envisager, il y a notamment la suppression du portefeuille
ministériel dénommé Ministère de la Communication et des médias, ou encore
Ministère de l’Information et Presse. Un
portefeuille au passé peu glorieux depuis quelques décennies, et dont la jeune
démocratie congolaise voudrait s’en débarrasser une fois pour toute.
L’occasion
faisant le larron, le nouveau président de la République, de surcroît issu d’un
parti politique historique de l’opposition, a de bonnes raisons pour que ce
ministère n’ait pas droit de cité dans le prochain gouvernement dit de large
union nationale. Il est certes possible
que d’aucuns s’interrogent sur cette volonté délibérée de voir le prochain
gouvernement compter tout sauf un ministère de la Communication et des Médias.
Est-ce un acharnement, un règlement des comptes ou une action visant à saboter
la visibilité du futur gouvernement de large union nationale? Autant
d’interrogations que tout congolais lambda pourrait soulever avec espoir de
bien trouver des réponses nécessaires.
Propagande révolue
La jeune
démocratie congolaise devrait, en principe, bannir le culte de la personnalité,
la propagande malveillante, les mensonges d’Etat, les attaques personnelles
boutiquées dans les laboratoires politiques, etc. Les quelques maux énumérés
ci-dessus sont caractéristiques des missions tacites assignées à ce
portefeuille ministériel appelé à disparaître. Les pratiques d’endoctrinement
sont d’une autre ère, non conformes et inadaptées aux évolutions démocratiques
actuelles. La propagande réduit les
ministres à de petits garçons de course qui se livrent matin et soir au Djalelo
et ternissent, par voie de conséquence, l’image de marque du gouvernement dans
l’opinion publique.
Protéger la liberté de presse
Au cours de
ces dernières années, le Ministère chargé de la Communication et des médias s’est
transformé en gendarme de la presse libre et indépendante. Au lieu d’assurer la
visibilité des actions gouvernementales, il s’est livré à une guerre sans merci
contre la presse indépendante souvent critique vis-à-vis de l’action du
gouvernement. Au lieu d’encourager l’indépendance des médias, ce portefeuille
ministériel et ses animateurs ont brillé par des actions liberticides à
l’endroit des organes de presse. Fermetures en cascade des médias, coupures
justifiées ou non de signal, refus d’accorder des autorisations de reportage à
la presse étrangère, expulsions des journalistes étrangers, exclusions
délibérées de certains organes de presse aux rencontres du gouvernement, etc.
Ce sont là les actions marquantes menées par ce ministère qui demeure, du
reste, un véritable goulot d’étranglement pour l’avènement d’un quatrième
pouvoir tant souhaité par les congolais. Une interprétation parfois partisane
des lois qui régissent le secteur médiatique a conduit aussi à la publication
de plusieurs mesures liberticides ainsi que la censure ayant engendré la peur de
sanction dans la profession et ou une éventuelle privation de toute manne
publicitaire des institutions publiques. Supprimer un tel ministère constituerait
un grand soulagement pour tous les médias terrorisés par cet organisme public
aux compétences illimitées et parfois ambiguës.
Consolider l’assainissement du
secteur des médias
En
supprimant ce ministère, les nouveaux dirigeants participeront indirectement à
la consolidation de l’opération d’assainissement du secteur médiatique
congolais à laquelle se consacrent régulièrement l’instance publique de
régulation (Conseil supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication) et les
organisations professionnelles. La loi du 11 janvier 2011 donne plusieurs
attributions à l’instance publique de régulation, mais l’imbroglio entretenu
par le Ministère de la Communication et Médias ne permet pas à cette
institution d’accomplir normalement ses missions. En outre, les moyens
matériels et financiers mis à la disposition de cet organisme public sont très
modiques. En supprimant ce ministère, les moyens dont il disposait pourrait
conséquemment être transféré au Conseil supérieur de l’Audiovisuel et de la
Communication (CSAC) afin de lui donner ses moyens d’action au profit des
médias. Le CSAC pourrait également assurer la tutelle des médias publics
autrefois confisqués par le pouvoir sortant. Ce qui pourrait leur rendre leur
crédibilité fortement entamée au sein de l’opinion publique. De leur côté, les
organisations corporatives pourront aussi assurer l’autorégulation sans crainte
d’être fragilisées dans leur élan par ce ministère.
Au bout du
compte, les congolais qui ont exprimé leur vœu de changement, le 30 décembre
2018, attendent fermement du président élu cette décision courageuse de ne pas
reconduire dans son gouvernement un portefeuille destiné à avoir un regard sur
les médias. Le CSAC ayant déjà cette mission qui lui est reconnue par la
Constitution, il appartient donc au gouvernement de trouver des voies et moyens
pour assurer sa propre communication autrement.
KABONGO MBUYI, Secrétaire exécutif de
l’Observatoire de la Liberté de la Presse en Afrique (OLPA)
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